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Quand les guéguerres politiques nuisent au combat contre la drogue

Pendant que la classe politique ne cesse de se chamailler sur un débat aussi sérieux que la drogue, ce sont les trafiquants qui en profitent, selon plusieurs travailleurs sociaux.

Les récents débats politiques sur la drogue ont surtout été axés sur des attaques personnelles. Une véritable perte de temps pour plusieurs travailleurs sociaux, qui sont concernés par l’ampleur de ce fléau social.

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«Le combat contre la drogue ne doit pas être une campagne ‘zet labou’. Il s’agit avant tout d’un combat contre la souffrance humaine. » Alors que nous témoignons, depuis ces dernières semaines, d’une campagne féroce entre l’opposition et le gouvernement sur le dossier de la drogue, avec des attaques virulentes  d’une part et d’autre, plusieurs travailleurs sociaux engagés sur le terrain pour accompagner les victimes de ce fléau social, se disent attristés par la teneur des débats. 

Danny Philippe, de l’ONG Développement-Rassemblement-Information et Prévention (DRIP), est d’avis que l’heure doit surtout être à la réflexion collective. « Il faut que l’opposition et le gouvernement décident enfin à se mettre d’accord afin de dégager une stratégie commune pour inverser la tendance », martèle-t-il. 

Les guéguerres politiques entre l’opposition et le gouvernement font perdre un temps fou, selon Danny Philippe. « En s’obstinant à scorer des points politiques les uns contre les autres, ce sont les trafiquants qui en sortent gagnants, d’autant qu’ils ont une longueur d’avance sur les autorités », fait-il remarquer. 

Faisant le parallèle avec la lutte contre le sida, Danny Philippe soutient que c’est uniquement lorsque l’effort collectif a primé que Maurice a repris la main. « C’est lorsque la société civile et la classe politique se sont mises à travailler main dans la main que nous avons pu commencer à avoir des résultats positifs contre le sida. Il est temps d’avoir une plateforme commune gouvernement-opposition, où les deux camps pourront faire part de leurs propositions et se mettre d’accord sur une stratégie nationale. »

Le consensus trouvé entre l’opposition et le gouvernement autour du Dangerous Drugs (Amendment) Bill démontre que lorsqu’on arrive à trouver un terrain d’entente, c’est la population qui est gagnante. « Il y a, certes, eu quelques tiraillements dans les débats, mais l’opposition et le gouvernement étaient d’accord sur le principe de cette loi afin de réhabiliter ceux qui sont tombés dans le piège de la drogue. C’est dans cette direction qu’il faut avancer », insiste-t-il.

Pour sa part, Sam Lauthan, ex-ministre de la Sécurité sociale et ancien membre de la commission d’enquête sur la drogue, qualifie de honteux le niveau des discours des politiciens sur un sujet aussi sérieux. « Cela fait des années que nous disons que le problème de la drogue est extrêmement complexe. Cela dépasse le cadre politique, car la drogue a surtout une dimension sociale, économique, culturelle et émotionnelle. »

Abondant dans le même sens que Danny Philippe, Sam Lauthan est d’avis que l’affrontement sans merci entre l’opposition et le gouvernement sur le dossier de la drogue profite à la mafia. « J’ai suffisamment étudié le dossier de la drogue pendant des années pour comprendre les moyens colossaux dont disposent les caïds de la drogue. Ils ont des moyens financiers énormes et ont des entrées dans divers secteurs du pays. Ce n’est pas en voulant marquer des points politiques l’un contre l’autre qu’on gagnera ce combat. »

Pour Sam Lauthan, il est primordial que chaque député se documente sérieusement sur ce dossier pour être mieux armé. C’est dans cette optique qu’il lance un appel à tous les élus de l’Assemblée nationale pour qu’ils lisent le rapport de la commission d’enquête sur la drogue dans son intégralité afin de mieux cerner l’ampleur du problème. 

L’ex-assesseur de la commission d’enquête sur la drogue profite d’ailleurs de l’occasion pour réitérer son appel au gouvernement. 

« Toutes les recommandations de la commission d’enquête doivent être appliquées sans concession. L’autre jour, j’ai entendu le ministre de la Santé Kailesh Jagutpal dire que 80 % des recommandations ont été mises en œuvre à ce jour, mais c’est tout le rapport qui doit être adopté. Cela fait déjà quatre ans que nous avons soumis notre rapport », tient-il à rappeler.

L’ex député Dev Virahsawmy, qui suit également le dossier de la drogue avec beaucoup d’attention, est, quant à lui, plus sceptique. Il fait valoir que comme les principaux partis politiques du pays ont tous la même idéologie, il est difficile d’avoir des résultats concluants. 

« Tous ces partis politiques qui se disputent sur le dossier de la drogue se sont retrouvés au pouvoir à un moment de notre histoire et ils ont tous abordé le problème de la drogue de la même manière. Et que voit-on aujourd’hui ? Des campagnes ‘zet labou’. Fann rimer lor adverser. Comment arriver à un débat civilisé dans de telles conditions ! » s’exaspère-t-il. 

Les débats stériles autour de la drogue font qu’il y a aujourd’hui un trafic souterrain de la drogue qui est extrêmement rentable. « Nous avons, ces dernières années, témoigné d’une chute considérable au niveau des prix de l’héroïne et, parallèlement, le cannabis est devenu extrêmement cher. La solution à tout cela doit passer par la décriminalisation du cannabis dans son ensemble. Cannabis industriel, médical et récréatif », réclame-t-il.

Les débats de nos politiciens sur la drogue, ces dernières semaines, ont surtout tourné autour des reproches et des attaques visant à accuser certains politiciens de leur proximité avec des présumés trafiquants de drogue. Cependant, pour ceux qui côtoient régulièrement les personnes ayant cédé à la tentation de la drogue, la classe politique est de plus en plus à côté de la plaque. Le message est sans équivoque : ressaisissez-vous ! 

 

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